Et si on apprenait à médier ? L’importance de la médiation dans l’apprentissage du FLE

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Mediazione e comunicazione

L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS

La mediazione, la capacità di ascoltare, comprendere il punto di vista altrui, negoziare. Solo così si entra davvero nel vivo di una lingua e si comunica efficacemente.

de Tiziana Cignatta

La construction de l’identité personnelle d’un/e citoyen/ne du XXIème siècle a lieu dans un contexte familial social, éducatif complexe. Chaque individu grandit et bouge à l’intérieur d’un réseau de rapports, de contacts multiples où il se trouve à agir, à interagir et à socialiser, souvent sans les compétences nécessaires pour faire face à des situations nouvelles et en continuelle évolution. Pour communiquer, notamment dans une langue étrangère, il ne suffit en effet plus d’être à même de parler, de lire, d’écrire, ni d’avoir des savoirs et des compétences incluant la connaissance, même approfondie, des médias et des réseaux sociaux. Les défis posés par la société de nos jours demandent beaucoup plus en termes de capacité de se mettre à l’écoute de l’autre, de comprendre ses points de vue, de négocier, bref, de jouer un rôle de médiation.

La médiation était déjà présente parmi les activités communicatives langagières avec la réception, la production et l’interaction dès la sortie du CECR1, en tant qu’« activité de la vie sociale dans et hors de son pays »2. C’est toutefois en ces derniers temps qu’elle a été mise sous la loupe des études et des indications du Conseil de l’Europe grâce à un nouveau volume complémentaire du CECR3. À l’intérieur de cette publication, la médiation est affrontée aussi bien en ce qui concerne les activités - on peut médier un texte, des concepts ou bien la communication - que les stratégies permettant d’expliquer un nouveau concept ou de simplifier un texte. Nous, les adultes, nous connaissons tous l’importance du travail d’un interprète, d’un traducteur, d’un médiateur interculturel pour assurer la réussite d’un congrès, la publication d’un livre dans une autre langue, ou la rencontre efficace entre des personnes représentant des langues et des cultures parfois très éloignées l’une de l’autre. Il s’agit de professionnels de la médiation, souvent hors du contexte scolaire, mais pas forcément4. Comment faire, côté enseignant/e, pour la considérer comme partie intégrante de la praxis pédagogique et des parcours didactiques et, côté apprenant/e, pour recevoir une formation progressive à la médiation dans le quotidien de nos espaces éducatifs ?

C’est un défi important, qui demande une attention particulière et qu’on a relevé dans la méthode France VLOG, Le français authentique, notamment à l’intérieur des pages consacrées aux compétences intégrées. Il s’agit d’un itinéraire de construction de compétences qui implique toutes les dimensions de la communication et où l’on demande aussi à l’élève, grâce à l’activité « D’un texte à l’autre », d’intégrer deux activités communicatives langagières ou plus pour réaliser la tâche. L’apprenant écoute une interview en prenant des notes et réalise après une production personnelle enrichie de dessins, par ex., ou bien il complète un résumé écrit à partir d’une activité d’écoute et de la lecture d’un texte. De cette façon on travaille sur les compétences intégrées en cohérence avec les contextes « réels » de communication, où l’on utilise plusieurs compétences en même temps, ce qui favorise une approche holistique à l’étude de la langue et de la culture francophones.

La médiation conclut l’itinéraire par une activité cohérente avec le parcours proposé. On démarre à la fin de l’Unité 2 avec le mot-clé identité, qui conduit à la découverte d’identités multiples à l’intérieur du monde francophone : ici on va à la rencontre de la langue et de la culture basque à travers des mots tels que kaixo, agur, adio à transposer en français courant. On continue avec le mot-clé appartenance, par la découverte du parler jeune ou de belgicismes et de leur transposition dans la langue française pour arriver à l’intégration, en passant par la recherche de mots et d’acronymes anglais, mais aussi de paroles d’origine arabe entrées dans le français courant. Cette richesse communicative et lexicale se nourrit d’activités de médiation plongées dans des situations réelles de communication : un correspondant francophone arrive chez notre élève et ce dernier facilite la communication entre son nouveau copain qui parle français et l’adulte à la maison qui ne parle qu’italien. Encore, les apprenants, divisés en groupes, cherchent des informations en italien sur les savoir-faire de notre pays reconnus par l’UNESCO, tels que l’« Opera dei Pupi » ou l’art du pizzaiolo napolitain, et on leur demande de les transposer dans des articles en français à publier sur le blog de l’école. De cette façon les élèves sont invités à agir en médiateurs dans un contexte de communication, aussi bien à l’intérieur d’une compétence linguistique et interculturelle intégrée - en passant d’un registre linguistique à l’autre ou d’un répertoire lexical à l’autre - qu’entre plusieurs interlocuteurs parlant des langues différentes. Cela demande une compétence complexe et structurée et la responsabilisation de l’élève en tant qu’acteur d’une situation de communication articulée, chacun à la mesure de ses possibilités et de sa volonté de progresser, en un mot à son niveau !

Ce qui est aussi intéressant à prendre en compte pour chaque enseignant est justement la diversité des niveaux de compétences acquises par chaque élève et la progression à atteindre dans le parcours scolaire : le volume complémentaire du CECR présente des descripteurs qui, comme les descripteurs universellement connus et utilisés pour les certifications en langues, incluent des compétences allant du niveau A1 au niveau C2. Donc si au niveau A2 on prévoit, à l’intérieur de la médiation de la communication, qu’un élève soit à même de « contribuer à la communication avec des mots simples et inviter les gens à expliquer des choses, indiquer quand [il comprend] et/ou s’ [il est] d’accord.»5, un apprenant à un niveau B2 pourra « contribuer à la création d’une culture communicative commune en adaptant [sa] façon de procéder, apprécier différentes idées, impressions et points de vue, et inviter les participants à réagir aux idées des uns et des autres.»6. Cela ouvre bien évidemment de nouvelles et importantes perspectives non seulement aux approches pédagogiques, mais aussi, et surtout, à la possibilité de faire évoluer les élèves dans la prise de conscience de leurs potentialités et de leurs atouts, pour que chaque apprenant d’aujourd’hui soit à même de relever les défis de demain.

  • 1Cadre Européen Commun de Référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, Conseil de l’Europe, 2001.
  • 2Piccardo E., Berchoud M., Cignatta T, Mentz O., Pamula M., Parcours d’évaluation, d’apprentissage et d’enseignement à travers le CECR, CELV/Conseil de L’Europe, 2011, p.34.
  • 3Cadre Européen Commun de Référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, Volume complémentaire avec de nouveaux descripteurs, Conseil de l'Europe, 2018.
  • 4Cfr. Coste D., Cavalli M., Education, mobilité, altérité. Les fonctions de médiation de l’école, Conseil de l’Europe, 2015.
  • 5Ivi, p. 178.
  • 6Ibidem.

 

Tiziana Cignatta est professeure de langue, culture et littérature française auprès du Liceo Linguistico Da Vigo de Rapallo, notamment dans les sections ESABAC. Passionnée de langues et d’apprentissage/enseignement, est l’auteure de manuels de langue et civilisation française, ainsi que d’articles concernant la didactique des langues étrangères. Auteur de France Vlog.

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