Gilbert Ponte
Parallèlement à ma carrière de comédien et de metteur en scène, j’ai toujours ressenti le besoin de transmettre ma passion du théâtre. C’est pourquoi j’ai multiplié, dans diverses régions de France, les interventions dans des ateliers de pratiques artistiques, des ateliers d’écriture et de lecture qui me permettent de rencontrer, au plus près, d’autres publics. Et particulièrement en intervenant dans les établissements scolaires et les centres culturels.
Quand Grazia m’a proposé de travailler avec elle pour le français, j’ai immédiatement accepté. Il s’agissait, au départ, de tourner des vidéos. Il nous est apparu essentiel de travailler avec des comédiens professionnels car ils peuvent apporter toutes les nuances du langage, des expressions, des gestes …
Apprendre une langue est une activité concrète qui demande la disponibilité de tout son être. Je regarde, j’écoute, je sens, je mémorise, je répète… Exactement comme au théâtre. D’ailleurs les élèves qui font du théâtre s’aperçoivent très vite que cela exige de la rigueur, de la précision. On n'est pas seulement dans une logique du faire mais aussi dans une logique du « refaire » : répéter, répéter jusqu’à trouver le geste juste, le mot juste, le sentiment juste, l’expression juste. Impossible donc de se satisfaire de l’à-peu-près… Le théâtre exige de l’exigence. Exigence que l’on retrouve quand on veut apprendre une langue. Et n’oublions pas que le théâtre est un art du plaisir, du jeu… qui développe aussi de la rigueur et de la concentration. Curieusement la démarche artistique est une démarche qui s’attache au détail : le corps, la voix, les gestes, le mot… pour construire un ensemble cohérent.
Souvent les enseignants disent qu’ils n’ont pas le temps d’utiliser le théâtre, qu’ils ne savent pas comment mettre en scène un texte. Je leur propose alors d’utiliser la choralité. En effet la structure chorale permet d’insérer tous les élèves et de travailler ensemble. En cercle ou en demi-cercle autour du professeur. Ainsi chacun est attentif à l’autre. On se regarde les uns les autres et donc on se stimule les uns les autres. A partir de cette configuration tout est possible, travail de l’articulation, improvisation de saynètes, mémorisation et répétition de mots nouveaux. On peut utiliser la choralité également en abordant un texte classique. On dédouble les rôles ou on les triple. On découpe les répliques et on les distribue. Cette technique permet de mieux comprendre le texte et d’en saisir toutes les nuances. Encore une fois chacun est au service de l’ensemble. Et ensemble on apprend plus vite une langue.
Pour finir, je dirai que le théâtre est un art qui fait appel à l’intelligence et par là à l’imagination. Contrairement au cinéma qui impose, le théâtre propose. C’est le spectateur qui, en toute liberté va choisir, dans les multiples propositions qu’il voit et qu’il écoute. Le théâtre est un lieu de liberté, peut-être le seul lieu de liberté qui existe aujourd’hui. Nous sommes dans un monde d’images mais les images défilent et lassent. Nous sommes dans un monde de communication. Mais le théâtre subsistera car c’est un lieu de relation, de relation avec l’autre, de relation humaine. Le théâtre subsistera car il contient en lui l’essentiel, les mots, le texte et nos émotions.