Les logiques documentaires : différents modèles

FRANCE MAG - Anno 3 N.4 - JPEG - Puren - logiques documentaires01

Sintesi dell'intervento di Christian Puren, Professore emerito dell'Università di Saint-Étienne, al Colloque national de français

L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS

Nel suo intervento, Christian Puren he evidenziato come esistano diverse "logiques documentaires", che consistono in diversi modelli di approccio ai documenti, a seconda della metodologia a cui si rifanno.

la Redazione FLE, Pearson Italia

FRANCE MAG - Anno 3 N.4 - JPEG - Puren - logiques documentaires03

Christian Puren, dans son intervention au colloque de Rome, a remis dans une perspective historique ce qu’il appelle les « logiques documentaires ». Il en existe plusieurs en effet, chacune consistant en un modèle d’approche et de traitement différents du document selon la méthodologie à laquelle elle se rattache.

Dans la première méthodologie qui nous intéresse ici, parce qu’elle peut toujours être pertinente, la « méthodologie active » des années 1920-1960 en France, la logique qui s’impose est la « logique document » : la base est le texte à partir duquel les apprenants vont extraire de nouvelles connaissances langagières et culturelles, et à propos duquel, au cours du commentaire oral en classe, ils vont mobiliser leurs connaissances langagières et culturelles déjà acquises.
Il s’agit là d’un dispositif dit d’ « intégration didactique maximale », dans lequel toutes les activités se réalisent à partir et à propos du texte unique, considéré comme « authentique » parce que représentatif de la langue et de la culture étrangères. Comme le déclare en 1902 un des grands méthodologues directs, Adrien Godard :

Dans ce double travail stylistique et grammatical, l'activité de l'élève est concentrée sur le texte, qui se fixe profondément dans sa mémoire. La lecture devient en même temps que le but, l'instrument principal de l'enseignement et ainsi se réalise, par l'explication des textes, cette collaboration mutuelle de tous les exercices et cette concentration du travail, qui doit être la loi de tout enseignement.[1]

Quelques années plus tard, les auteurs d’un manuel d’espagnol présentent ainsi l’intérêt de leur ouvrage :

Pratiqué d’une façon active, l’enseignement par les textes est le plus fécond, le plus complet. Lui seul met en pleine lumière les mille particularités d’une langue et les rend familières grâce à une gamme d’exercices très étendue : explication ; lecture d’ensemble du texte ; traduction claire et courageuse ; thème, résumé ou récit ; transposition ou imitation ; discussion d’idées ou commentaire. […] Guidés par les auteurs les plus célèbres, les élèves pénétreront dans l’intimité de la langue sans contrainte, sans ennui, car, même dans les extraits, palpite la vie, la profonde réalité des grandes œuvres.[2]

Le « niveau d’intégration didactique » (NiD) correspond au nombre de tâches par rapport au nombre de documents à partir et à propos desquels ces tâches s’effectuent. Si le même document, comme c’était le cas à cette époque, sert à la fois aux 9 activités de compréhension de l’oral et de l’écrit, d’expression orale et écrite, grammaire, lexique, graphie-phonie et culture, ce NiD est égal à 9.

 

FRANCE MAG - Anno 3 N.4 - JPEG - Puren - logiques documentaires-formula

 

La « logique document » a abouti à créer un modèle historique de tâches, qui se réactive jusqu’à nos jours dès lors que l’on cherche à exploiter ainsi au maximum un document authentique :[3]

Traitement didactique des documents authentiques.
Modèle d'analyse par tâches

1. Se préparer
2. Repérer
3. Analyser
4. Interpréter
5. Extrapoler
6. Réagir
7. Juger
8. Comparer
9. Transposer
10. Prolonger

Christian Puren fait remarquer que la méthodologie audiovisuelle a conservé le dispositif d’intégration maximale avec la même valeur (8), en remplaçant simplement le texte authentique littéraire par un dialogue fabriqué. Les « moments de la classe de langue » étaient en effet les suivants :

Phase 1 : Présentation
Phase 2 : Explication
Phase 3 : Correction phonétique
Phase 4 : Mémorisation
Phase 5 : Dramatisation
Phase 6 : Exercisation
Phase 7 : Exploitation du dialogue
Phase 8 : Expression libre

L’approche communicative, en revanche, a généré une logique différente, la « logique support », dans laquelle le document – authentique ou fabriqué – sert seulement à une activité ou à quelques activités. On peut avoir ainsi un poème qui ne sert qu’à y relever des formes verbales ou un dialogue oral qui ne sert qu’à l’expression orale (NiD = 1), ou un texte littéraire dont on expliquera rapidement les mots inconnus (1. compréhension de l’écrit) pour immédiatement demander aux élèves de réagir personnellement (2. expression orale) (NiD = 2).

Avec la perspective actionnelle apparaissent deux nouvelles logiques documentaires, la « logique documentation » et la « logique sociale », cette dernière étant particulièrement intéressante, en classe, pour les textes littéraires (mais elle s’applique, dans la réalité sociale actuelle, à tout type d’ouvrage promu et diffusé auprès d’un public).

Dans la « logique documentation », l’apprenant utilise le texte pour en extraire uniquement les informations qu’il pense lui être utiles pour réaliser, à la fin de l’unité didactique, la « tâche finale » ou « mini-projet » qui lui a été ou qu’il s’est assigné. On passe là de la « compétence communicative » de l’approche communicative (capacité à comprendre et transmettre l’information) à la « compétence informationnelle », à ce qu’on appelle souvent la « gestion de l’information », qui consiste en particulier, avant de communiquer, à sélectionner, évaluer et hiérarchiser l’information, à décider à qui, comment et à quel moment on va la transmettre ; et enfin, une fois la communication réalisée, à se demander si l’on conserve ou pas cette information, et, si oui, à la maintenir à jour. Cette compétence informationnelle peut être définie comme la capacité à agir sur et par l’information en tant qu’acteur social.[4]


Cette « logique documentation » amène une conception de la compréhension de l’écrit et de l’oral très différente de la logique support de l’approche communicative. Dans cette dernière l’apprenant cherche à repérer le maximum d’informations ; dans la « logique documentation » – qui est naturellement celle que l’on utilise dans son travail lorsque l’on traite un dossier documentaire – il faut non seulement éliminer l’information non pertinente par rapport à la tâche à effectuer finalement (par exemple une synthèse préparant un projet défini) et sélectionner l’information pertinente, mais aussi repérer l’information manquante, ce qui pourra rendre nécessaire de compléter la documentation.

L’expression de « logique sociale », quant à elle, désigne une manière encore différente d’aborder le texte littéraire. Pour l’illustrer, Christian Puren a proposé ce tableau :
 

FRANCE MAG Anno 3 N. 4/FRANCE MAG - Anno 3 N.4 - JPEG - Puren - logiques documentaires_tabella01.jpg


Dans la colonne de gauche, l’apprenant est appelé, de manière classique, à agir comme « lecteur », comme « auteur » ou comme « acteur » (dans le sens d’un acteur sur scène). Dans la colonne de droite, qui correspond à la logique sociale, l’apprenant est appelé à agir comme un « agent littéraire », c’est-à-dire comme un acteur social œuvrant à la promotion et à la diffusion de la littérature dans le champ social.

Le type d’action complexe à privilégier dans la mise en œuvre de la perspective actionnelle, à savoir le projet pédagogique, amène tout naturellement à combiner les différentes logiques. Christian Puren a pris l’exemple d’un projet présenté il y a quelques années lors d’un colloque de professeurs de FLE (SEDIFRALE de Rio, 2002). Il s’agissait, pour les élèves d’un lycée du centre-ville d’une capitale centraméricaine, de préparer tout au long de l’année la lecture publique de poèmes français choisis et traduits par eux en espagnol dans des établissements scolaires de la banlieue. Voilà ce que devront faire ces élèves :

FRANCE MAG Anno 3 N. 4/FRANCE MAG - Anno 3 N.4 - JPEG - Puren - logiques documentaires_tabella02_ok.jpg

Cette gestion conjointe de différentes logiques documentaires disponibles ne doit pas être réservée aux seuls projets pédagogiques : elle peut être mise en œuvre dans toute séquence didactique. Il ne s’agit pas en effet d’abandonner pour les deux nouvelles logiques – documentation et sociale – les deux logiques antérieures : l’intérêt de la perspective actionnelle telle que la conçoit Christian Puren est d’ajouter deux nouvelles logiques à celles existantes, afin de permettre à l’enseignant de décider de ses choix ou de ses combinaisons.

Note

[1] Adrien Godard, Conférence pédagogique du 27 novembre 1902, Revue de l'Enseignement des Langues Vivantes, n° 11, janvier 1903
[2] G. Delpy et A. Viñas, L’espagnol par les textes, Paris, Libraire Hachette, éd. 1927.
[3] Ce modèle, avec pour chaque tâche sa définition, son objectif et des exemples de questions ou consignes, est disponible en ligne sur le site de Ch. Puren: Traitement didactique des documents authentiques et spécificités des textes littéraires : du modèle historique des tâches scolaires aux cinq logiques documentaires actuelles
[4] Pour plus de détails, voir Les implications de la perspective de l'agir social sur la gestion des connaissances en classe de langue-culture : de la compétence communicative à la compétence informationnelle