Les grandes dates et les événements de novembre

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1918-2018: Commemorazione della fine della Grande Guerra

Il 2018 segna la fine delle commemorazioni del centenario della Prima Guerra Mondiale, che ha devastato l'umanità e trasformato radicalmente la geografia europea, e le cui ripercussioni arrivano fino ai giorni nostri.

di Cecilia Cohen Hemsi Nizza

Le 11 novembre 1918 l’armistice entre la France et l’Allemagne conclut la guerre. À la Conférence de Paix de Versailles, l’Allemagne, considérée la principale responsable du conflit et des immenses destructions sur le territoire français, est soumise à des réparations très lourdes soit du point de vue économique (132 milliards de marks or), soit de la perte d’un septième de son territoire. La France récupère l’Alsace Lorraine, perdue lors de la guerre franco-prussienne de 1870 et en 1923 occupe la Ruhr, afin d’obliger l’Allemagne à payer les indemnités. Au-delà de la nécessité réelle de les récupérer, une volonté punitive guide la France. Mais l’Allemagne n’est pas en mesure de faire face à ses dettes, malgré le soutien des États-Unis jusqu’à la grande crise de 1929.

Premières conséquences politiques

En novembre 1919 ont lieu les élections législatives, qui, à cause de la guerre, n’avaient pas pu se tenir au printemps 1918. Le Bloc National, une coalition de droite et centre-droite, remporte la victoire et gouverne jusqu’en 1924.
Mais la vie du gouvernement n’est pas facile, surtout en raison du désaccord entre les partis sur l’attitude envers l’Allemagne. Constatant la grave crise où se trouve le pays, le Président du Conseil et Ministre des Affaires Étrangères, Aristide Briand, est favorable à une ligne plus conciliante, en accord avec la Grande Bretagne qui craint que la crise allemande ne se répercute sur son économie, l’Allemagne étant son second partenaire commercial. Le 5 janvier 1922 une réunion des pays victorieux est organisée à Cannes où on décide d’accorder à l’Allemagne un délai de paiement. En contrepartie, la Grande Bretagne s’engage à assurer la sécurité de la France en cas d’agression. La Chambre des Députés approuve la décision, mais face à l’opposition très forte dans le pays, Aristide Briand démissionne.
La politique se divise aussi sur un autre sujet, qui va intéresser également le monde de la culture : la question du bolchévisme et l’attitude envers la révolution russe. Le Bloc National est ouvertement hostile, alors que la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) est secouée par de profondes divisions entre les sympathisants et les opposants au régime soviétique. En décembre 1920, à Tours se réunit la 18ème Assemblée nationale de la SFIO, pour se prononcer sur l’adhésion à l’Internationale communiste (Komintern en russe), créée par Lénine en 1919. Mais l’adhésion demande à la SFIO de s’engager à respecter 21 conditions, ce qui de fait placerait les adhérents sous la complète autorité du Komintern. Bien que majoritaire, la frange la plus extrême de la SFIO face à l’hostilité des opposants, quitte le parti et fonde la SFIC (Section française de l’Internationale communiste), devenue Parti communiste en 1943. Sur les mêmes positions du SFIC, en décembre 1921, naît la Confédération Générale du Travail Unitaire.

Conséquences sur la société et l’économie

Longtemps l’historiographie de la Grande Guerre s’est concentrée sur les questions militaires et sur les responsabilités, laissant en arrière-plan les effets sur la société et sur ses valeurs fondamentales. C’est seulement à partir des années 1970 que l’on a commencé à s’intéresser à l’histoire sociale des nations en guerre.
Malgré la victoire remportée, la France déplore 1,4 millions de soldat morts ou disparus, de 3 à 4 millions de blessés, sans compter les combattants souffrant de stress post-traumatiques. À ceci s’ajoutent les effets de la grippe espagnole qui, du printemps 1918 au début de l’année 1919, fait 300.000 victimes parmi la population civile.
Cette situation entraînera un taux élevé de dénatalité pendant de nombreuses années.
Outre ce bilan humain très lourd, il faut considérer les dégâts matériels, la guerre s’étant déroulée principalement sur le territoire français.

Le gouvernement d’union nationale pense à la reconstruction en termes d’économie générale, comprenant aussi bien les habitations civiles que l’industrie sidérurgique ou ferroviaire.
La priorité est la reconstruction des régions frontalières, qui ont subi les ravages les plus importants. Du point de vue économique la situation n’est pas non plus favorable. La dette publique envers les pays étrangers, notamment les États-Unis, est de 31 milliards de francs or, les frais de guerre de 177 milliards dépassant largement les réparations attribuées à l’Allemagne.

4000 communes dans 10 départements sont dévastées par la guerre. Un “Ministère des Régions Libérées” est constitué en collaboration avec le Ministère des Armées, soutenu dans un premier temps par les Alliés. Les travaux sont accomplis par les prisonniers de guerre et la main d’œuvre immigrée.

C’est dans le cadre de la reconstruction que finalement une ancienne revendication ouvrière est appliquée, celle de la journée de huit heures de travail. Plusieurs arguments jouent en faveur de cette loi. En dehors des raisons de justice sociale, le retour des hommes du front risque de faire monter le chômage. La CGT et les socialistes proposent alors de réduire le temps de travail pour augmenter les postes, une mesure positive même sur le plan économique. Dans cette perspective le gouvernement Clémenceau dépose un projet de loi à l’Assemblée Nationale qui l’approuve le 23 avril 1919. C’est une loi qui s’applique tant aux hommes qu’aux femmes et prévoit aussi la semaine de 48 heures, sans réduction de salaire. Du point de vue du droit de travail c’est une grande conquête qui favorise la productivité mise en marche par la reconstruction.
La première urgence est constituée par la crise des logements due au déplacement de la main-d’œuvre vers les pôles industriels chargés de la production de guerre, notamment dans la banlieue parisienne.
À l’intérieur des administrations municipales naît l’exigence de créer une nouvelle figure professionnelle, l’urbaniste, chargé de gérer les problèmes sociaux résultant de la démobilisation, liant la reconstruction à une idée plus générale d’aménagement urbain.
En 1919, la loi Cornudet prescrit que les villes de plus de 10 000 habitants établissent un projet en trois ans “d’aménagement, d’embellissement, d’extension”.
C’est dans cette perspective que prend pied le projet des cités-jardins. Une idée lancée, en 1898, par l’urbaniste anglais, Ebenezer Howard, en opposition à la ville industrielle, mais aussi à la campagne, trop loin de la ville pour ceux qui y travaillent. De 1920 à 1939, une quinzaine d’entre elles sont construites autour de Paris, à l’initiative de l’Office Public d’Habitations à Bon Marché (HBM).

Le rôle des femmes: quelle émancipation?

Dès le 7 août 1914 les femmes sont appelées par le gouvernement à travailler dans les usines d’armes. En quatre ans elles auront fabriqué 300 millions d’obus !
On les trouve aussi distribuant le courrier, dans les administrations, conduisant les véhicules de transport, engagées dans les travaux agricoles, dans les hôpitaux comme infirmières, même sur les champs de bataille, assistant les médecins qui opèrent les soldats blessés. Mais dans l’après-guerre, le nombre des femmes au travail est plus ou moins le même qu’avant 1914. La question qui se pose alors est si la Grande Guerre a réellement favorisé l’émancipation des femmes.

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La réponse ne peut qu’être nuancée, car le problème est complexe et dépend des différences nationales et, à l’intérieur des nations, des différentes classes sociales. C’est en effet dans cette perspective que se pose l’historienne Françoise Thébaud dans son livre[1] où elle montre que le changement n’est pas si radical qu’on le pense. S’il est vrai que, au moment où les combats se prolongent, les femmes deviennent indispensables dans l’effort de guerre, ceci ne signifie pas que la mentalité ait changé. Le premier banc d’essai est le droit de vote. Ni les françaises ni les italiennes ne l’obtiennent, contrairement aux américaines, aux britanniques ou aux allemandes. Certes, on peut dire que certaines catégories ont profité de cette période pour gagner plus de liberté. Certaines atteignent des niveaux de responsabilité jusque-là inimaginables et environ 700000 veuves de guerre deviennent chefs de famille.
Enfin, grâce au décret de Léon Bérard (1876-1960), ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-arts en 1919 et de 1921 à 1924, les filles issues de la bourgeosie profitent du droit de se présenter au bacalauréat et désormais de l’accès aux facultés universitaires.
Mais le parcours vers l’émancipation totale est encore long.

Les années folles: culture et société

Le fait paradoxal est que, alors que le pays vit des moments difficiles, les Français retrouvent le goût de vivre, de s’amuser, d’expérimenter de nouvelles tendances culturelles. À Paris, le quartier Monparnasse est le centre de cette vitalité retrouvée, à laquelle contribuent de nombreux produits culturels venus d’Amérique : jazz, bandes dessinées, cinéma. Dans les années 1920, un groupe d’auteurs américains, représentant la "génération perdue"[2] , s’établissent à Paris. Parmi eux, Edith Stein et Ernest Hemingway.
L’américanisation, qui avait déjà intéressé la société avant la guerre, s’affirme encore davantage, grâce aussi à l’apport des États-Unis à la victoire contre les Empires Centraux. Mais c’est aussi un rapport à double sens, les américains, qui se trouvent dans le pays, partagent ce bonheur retrouvé et participent à cette vague de modernisation, en contribuant à l’internalisation de la culture. Si en effet, encore à la veille de la guerre, la France était le pôle culturel principal, cette primauté passe à d’autres pays, notamment aux États-Unis.
Dans cette vague de modernisation, de volonté de s’affranchir des horreurs vécues et en général du passé qui peut-être a produit ces horreurs, s’affirme dans les milieux bourgeois aisés une nouvelle esthétique, un nouveau style, l’Art Déco, qui prend son nom de l’Exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes organisée à Paris en 1925 et qui se répand en Europe et aux États-Unis, devenant le premier mouvement architectural/décoratif de nature mondiale. Un style qui concerne l’architecture, notamment d’intérieur, faisant débuter le design et influençant la mode et la typographie des panneaux publicitaires, des enseignes et des réclames.

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Culture et idéologie

Un élément qui caractérise cet après-guerre est la progressive politisation de la culture, qui s’était déjà manifestée à l’époque de l’Affaire Dreyfus. Sous l’influence des idéologies qui, à partir des années 1920, orientent le monde politique et culturel vers l’une ou l’autre, les définitions “droite” et “gauche” sortent de la sphère purement parlementaire pour devenir une sorte de carte d’identité.
La presse d’opinion[3]  et les partis jouent un rôle important car ils offrent aux écrivains une tribune pour présenter leur œuvre, mais aussi pour prendre position sur tel ou tel sujet.
Deux manifestes en témoignent. Le 26 juin 1919, l’écrivain Romain Rolland publie sur le journal socialiste, L’Humanité, la “Déclaration de l’indépendance de l’Esprit”, un manifeste[4] prônant les intellectuels à retrouver, au-delà des frontières nationales, cette “union fraternelle” que la guerre a détruite. C’est un appel à refuser toute propagande ayant le but d’asservir l’Esprit qui, seul, incarne la liberté. En réponse, le 19 juillet 1919, Henri Massis[5]  publie sur Le Figaro le manifeste “Pour un Parti de l’Intelligence”. L’appel défend la primauté de l’Esprit français, le seul capable de régénérer l’Occident. Les valeurs sur lesquelles se base l’appel sont : le patriotisme, la morale catholique, le contraste à l’idéologie matérialiste, conséquence du développement industriel et commercial et surtout au bolchévisme. C’est justement l’influence du bolchévisme qui accentue cette polarisation. Ce sont surtout les courants d’avant-gardes (dadaïstes et surréalistes) qui interprètent positivement son élan révolutionnaire, face à la dérive autoritaire qui est en train de s’affirmer en Italie et en Allemagne, dans la conviction que l’artiste doit s’engager en politique, pour défendre la pensée créatrice que les forces réactionnaires prétendent restreindre. Ce qui explique l’inscription au Parti Communiste entre autres de Tzara, Breton, Éluard, Aragon[6]

Mais l’adhésion des artistes à telle ou telle idéologie n’est pas sans troubles. Discussions, excommunications, démissions se répètent sans cesse. Un livre en témoigne. En 1927, l’écrivain Julien Benda[7]  publie La trahison des clercs où il reproche aux intellectuels, de gauche comme de droite, d’avoir renoncé à la pensée désintéressée pour se compromettre en politique, mais surtout dans les “passions partisanes” qu’elle engendre. La mission du “clerc” est de lutter pour le triomphe de “la vérité, la justice, la raison, la liberté intellectuelle et sociale”.

Note

  • [1] Françoise Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, Petite Bibliothèque Payot, 2013. Spécialiste de l’histoire des femmes, aujourd’hui professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université d’Avignon, où elle a enseigné de 1997 à 2007.
  • [2] L’expression, forgée par Gertrude Stein, écrivaine, poétesse, féministe née en Pennsylvanie en 1874 et morte à Neuilly-sur-Seine en 1946, et adressée à Hemingway, signifiait que les valeurs héritées par leur génération ne pouvaient plus être en usage, après la guerre. 
  • [3] De 1920 à 1932 il y a une floraison de revues exprimant les différentes orientations politiques : La Revue universelle (catholique), Clarté (communiste), Europe (gauche pacifiste puis communiste), Réaction (royaliste catholique), Commune (communiste).
  • [4] Parmi les signataires Albert Einstein et Bertrand Russell, Benedetto Croce.
  • [5] Henri Massis (1886 – 1970), critique littéraire, essayiste, historien de la littérature, fondateur de La Revue Universelle, proche des positions de l’Action Française, qui sous l’occupation nazie, se range au côté de Vichy.
  • [6] André Breton va quitter le parti quand il prend conscience que le Parti communiste agit aux ordres de Moscou. 
  • [7] Julien Benda (1867 – 1956), critique, philosophe, intellectuel de renom dans le panorama culturel français dans le premier après-guerre. Son attaque, au nom de ces valeurs intemporelles, ne l’empêche pas d’adhérer au communisme, tout en le considérant une menace comme le fascisme.

 

Cecilia Cohen Hemsi Nizza, insegnante in pensione, vive a Gerusalemme, dove si è trasferita negli anni scorsi da Milano. È Assessore alla Cultura nel Consiglio della locale Comunità ebraica italiana. Collabora con Pearson Italia. All'Università Ebraica di Gerusalemme ha tenuto dei corsi di letteratura e shoah.