Les Incontournables: Elie Wiesel

Elie Wiesel

Una personalità di spicco

LES INCONTOURNABLES

Elie Wiesel rappresenta un'intera generazione di ebrei vittime della barbarie nazista. A lui va il nostro omaggio.

di Manuela Vico

Le choix pour présenter Elie Wiesel dans la rubrique Les Incontournables n’est pas dicté cette fois par un anniversaire de naissance ou de mort, bien au contraire il se porte magnifiquement bien malgré ses 88 ans. Deux évènements majeurs ont déterminé ce choix: le Prix Nobel pour la paix attribué en 1986, ça fait trente ans et les soixante ans de la date considérée comme point de départ de son œuvre majeure, La Nuit, en 1956.De plus, en considération des manifestations prévues pour le Jour de la mémoire, le 27 janvier, on a estimé que Elie Wiesel représentait parfaitement une personnalité incontournable.

Elie Wiesel représente à lui seul toute la génération des jeunes, enfants et adolescents juifs, victimes de la barbarie nazie. La plupart n’a pas survécu aux camps d’extermination, on ne rappelle que leur nom, certains sont passés à travers l’enfer et ont pu, par la suite, apporter le témoignage de ce crime contre l’humanité. Elie Wiesel est de ces derniers et il a consacré le reste de sa vie au devoir de réfléchir, écrire et agir… Dans son œuvre fondante La Nuit, il relate son expérience personnelle, en devenant en même temps, témoin de la déportation des juifs du ghetto de son village, Sighet, en Transylvanie, jusqu’à Auschwitz. Dans ce texte la souffrance et la douleur physiques s’associent au drame intérieur du jeune homme qui se destinait à une vie de sainteté dans le respect des principes de sa religion et qui, face au mal et à la mort sans raison des innocents, perd sa foi et tombe en proie du nihilisme. Seule lui reste la présence consolatrice du père. Il est évident qu’après cette dernière perte rien ne pourra plus avoir un sens pour lui. La genèse de ce texte est complexe et c’est l’aboutissement de tout un parcours intérieur pour faire affleurer les faits et les évènements sans en être meurtri.

La première version remonte à l’an 1954, resta dix ans emmuré avant d’arriver à la parole écrite. Le texte de 862 pages est en yiddish car selon ses propres mots «J’ai besoin du yiddish pour rire et pleurer, célébrer et regretter. Et pour me plonger dans mes souvenirs. Existe-t-il une meilleure langue pour évoquer le passé avec son poids d’horreurs? Sans le yiddish, la littérature de l’Holocauste n’aurait pas d’âme». Cette première écriture est rapide, presque automatique: «Fiévreux et comme hors d'haleine, j'écris vite, sans me relire. J'écris pour témoigner, pour empêcher les morts de mourir, j'écris pour justifier ma survie […]. Mon vœu de silence arrivera bientôt à terme; l'an prochain, ce sera le dixième anniversaire de ma libération […]. Des pages et des pages s'entassent sur mon lit». Le résultat ce sera un livre au titre accusateur Un di Velt Hot Geshvign, littéralement Et le monde se taisait. Le premier éditeur, Mark Turkov, réduisit le texte à 240 pages, et en fit, en 1956, le 117ème volume de la collection Dos poylishe yidntum (La judéité polonaise) qui était une série de Mémoires sur l'Europe et la guerre, d’hommages aux victimes, dans le genre de la littérature commémorative yiddish de l'Holocauste. Mais le véritable coup d’envoi pour la rédaction de La Nuit a été la rencontre fortuite avec l’écrivain catholique François Mauriac.

Elie Wiesel, en tant que journaliste, devait le rencontrer pour une interview, l’écrivain français s’attardait beaucoup sur les souffrances de Jésus Christ à tel point que le jeune homme ne pouvant plus retenir sa colère éclata: «J'ai vu des enfants, des centaines d'enfants juifs, dont chacun a souffert mille fois plus, six millions de fois plus, que le Christ sur la croix. Et on ne parle pas d’eux». Et sur ces mots, gêné lui-même pour avoir trop dit, Wiesel ferma son bloc-notes et se dirigea résolument vers l’ascenseur. Ce fut alors le coup de foudre: «Mauriac me prit dans l'ascenseur et m'embrassa. Et cette année, la dixième année, je commençai à écrire mon récit. Après qu'il fut traduit du yiddish en français, je le lui envoyai. Nous fûmes des amis très, très proches jusqu'à sa mort. Cela me fit non publier, mais écrire».

On peut retenir l’année 1956 comme la véritable date de départ du texte lors qu’en décembre 1956, François Mauriac, sous le charme du texte, écrivit à l’éditeur Jérôme Lindon: «Voici le livre de "l'enfant juif". Je vous le recommande chaudement».

Elie Wiesel

Le 19 décembre 1956, Jérôme Lindon envoie une lettre à Elie Wiesel pour lui exprimer son enthousiasme après la lecture du texte. Le 22 décembre Elie Wiesel répond à Jérôme Lindon qu'il lui donne toute latitude pour effectuer les «corrections de détail» que ce dernier demande. Après une nouvelle lecture du texte, Jérôme Lindon fait savoir à Elie Wiesel qu'il considère son ouvrage comme un document capital même s'il n'apporte pas ce que les journaux appellent des «révélations sensationnelles». «Comme éditeur, ajoute-t-il, je désire donner à ces pages la plus grande publicité». Le texte, dans la version que nous connaissons, paraîtra deux ans plus tard. Il faut bien préciser que les suggestions de Mauriac, notamment réduire l’œuvre originale d’un millier de pages environ à un texte plus agile, ont été déterminantes pour son succès. En 2006 le livre est traduit et publié en trente langues et six millions d’exemplaires sont vendus dans le monde entier. Le véritable succès de ce livre aux États-Unis, est relativement récent, il remonte à l’année 2006 quand paraît une nouvelle traduction, faite par Marion Wiesel à partir du texte original en yiddish. En 2007, une nouvelle traduction du texte est publiée aux Éditions Minuit avec une préface de Wiesel lui-même qui commence par «Si de ma vie je n'avais eu à écrire qu'un seul livre, ce serait celui-ci». En Italie, à part la première traduction de Daniel Vogelmann qui, en 1980 a ainsi lancé sa maison d’édition La Giuntina, c’est la Maison d’édition Pearson qui, en 2005, a édité une édition scolaire, riche de tout un appareil critique, élaborée par Cecilia Cohen Hemsi.

Quant à l’histoire elle-même du roman, c’est simple: c’est l’histoire d’un adolescent déporté, avec sa famille à Auschwitz puis à Birkenau. Séparé de sa mère et de sa petite sœur, envoyées tout de suite à la mort dans les chambres à gaz, il est soumis avec son père à la dégradation quotidienne du camp: la faim, le froid, la peur, les coups. Le style est délibérément neutre comme s’il relatait des faits quotidiens, mais sous la surface calme de la page, c’est la tension des nerfs à vif qu’on ressent. À part toutes les barbaries dont il sera témoin, ce qui hante la conscience de cet adolescent c’est la peur de perdre son propre père avec lequel il établit un rapport presque viscéral car il est non seulement le père, mais aussi le rabbin, le guide spirituel, la voie pour s’approcher de l’Éternel. Et voilà que la perte soudaine, imprévue du père, à quelques jours seulement de leur libération, jette le jeune homme dans un désespoir qui n’aura pas de fin, lui laissant à jamais la honte de ne pas avoir su sauver ou consoler son père lors des derniers moments capitaux de son existence. C’est ce sentiment d’impuissance qui hantera toujours l’auteur développant chez lui un sens de profonde culpabilité, à tel point qu’en 1983 il écrira pour expliquer son texte: «Le véritable thème de La Nuit est celui du sacrifice d'Isaac, le thème fondateur de l'histoire juive. Abraham veut tuer Isaac, le père veut tuer son fils, et selon une tradition légendaire le père tue en effet son fils. L'expérience de notre génération est, à l'inverse, celle du fils qui tue le père, ou plutôt qui survit au père. La Nuit est l'histoire de cette expérience».

Ce texte pourtant “unique” dans les mots de Mauriac, n’est pas indemne de critiques car certains trouvent que La Nuit n’est pas une œuvre autobiographique étant donné certaines différences entre ce texte et le volume de mémoires Tous les fleuves vont à la mer (Mémoires I), éditions du Seuil, 1994. Par exemple le problème de l’âge déclaré dans le roman «pas encore quinze ans», alors qu’il en avait presque seize étant né le 30 septembre 1928 et interné à Auschwitz en mai 1944. Mais les critiques les plus envenimées viennent de certains négationnistes qui accusent Wiesel d’avoir usurpé la matricule d’un autre prisonnier et de s’être approprié son histoire personnelle. Le plus grave c’est que certains ont même trouvé un éditeur pour publier leurs suppositions.

Comme le dira Elie Wiesel lui-même, sans ce livre il n’aurait pas écrit tous les autres textes qui sont venus après, parmi lesquels on compte des romans, des mémoires, des articles, des essais et des pièces de théâtre comme le terrible Le procès de Shamgorod tel qu'il se déroula le 25 février 1649, théâtre, éditions du Seuil, 1979.

Mais son activité ne se limite pas au strict domaine de l’écriture, devenu citoyen américain en 1963, il obtient une chaire en sciences humaines à l’Université de Boston. Il a entre autres soutenu la cause des juifs d’Union soviétique. Marié il a une enfant Elisha.

Il fonde en 1980 le Conseil de l'Holocauste américain, il est témoin lors du procès Barbie à Lyon en 1987, où il inaugure le Centre d'histoire de la résistance et de la déportation en 1992.

Il reçoit le Prix Nobel pour la Paix en 1986 «s’étant illustré comme l’un des guides spirituels les plus importants dans une époque où la violence, la répression et le racisme continuent à dominer dans le monde». Peu après il fonde avec son épouse La Fondation Elie Wiesel pour l'humanité qui lutte pour garder la mémoire de l'Holocauste et contre l'indifférence, l'intolérance et l'injustice. Mais malheureusement, en décembre 2008, la Fondation annonce que la quasi-totalité de ses fonds propres environ 15,2 millions de dollars, se sont évaporés dans l'escroquerie montée par Bernard Madoff. De plus tout le patrimoine personnel de Wiesel est réduit à zéro par cette épouvantable faillite.

En 1993, sous la présidence de Bill Clinton, il dénonce les brutalités provoquées par la guerre entre Bosnie et Herzégovine «Je suis allé en ex-Yougoslavie, Monsieur le président, je ne peux pas ne pas vous le dire: nous devons faire quelque chose pour arrêter ce carnage!». En 1998, il est nommé «Messager de la paix» des Nations Unies. Il devient le témoin des violences de partout dans le monde. Il se bat aussi pour le respect des droits des Tibétains et reçoit en 2005 le Prix Lumière de la vérité. D’innombrables autres récompenses et hommages lui sont décernés pour son œuvre et son activité infatigable. Ses œuvres aussi ont reçu plusieurs prix littéraires au niveau mondial.

En octobre 2006, le Premier ministre israélien Ehud Olmert lui propose le poste de Président de l’État d’Israël. Elie Wiesel refuse l'offre en expliquant qu'il n'est «qu'un écrivain». Par cette affirmation Elie Wiesel se reconnaît tout premièrement comme auteur qui en écrivant toujours, n’a fait que poursuivre le même but, comme lui-même le précise en parlant de ces livres: «Toutes ces histoires n’en font qu’une. Je les ai construites en cercles concentriques, le centre en est le même et se trouve dans La Nuit».

 

 

Manuela Vico a enseigné dans de différents lycées (lycée linguistique, classique, agricole et commercial). De plus elle a tenu des cours aux adultes et aux étudiants de la «Scuola di Amministrazione Aziendale» de Turin, où elle a été chargée aussi de l’organisation des stages en France. Elle a été chargée aussi des cours de français à la Faculté d’Économie et Commerce.  Elle est parmi les membres fondateurs de l’Alliance française de Cuneo, dont elle est la présidente. Depuis avril 2015 elle fait partie du Conseil d’Administration de la Fédération des Alliances d’Italie au sein duquel elle coordonne le Comité Technique et Scientifique. Elle est formatrice et collabore avec la maison d’édition Pearson Italie. Elle est co-auteure de manuels scolaires, parmi lesquelsQuelle chance, publié par LANG Edizioni et de In trappola, texte publié par Pearson en langue italienne destiné aux apprenants étrangers. Elle est journaliste.