
Les Incontournables: Florence Arthaud ou la petite fiancée de l’Atlantique
Una donna forte, fino alla fine
LES INCONTOURNABLES
Il ritratto di una donna che si è saputa imporre in un mondo prevalentemente maschile e che ha affrontato con carattere le vicende della sua vita avventurosa, fino all'ultima prova.
En contraste avec son joli prénom qui nous rappelle plutôt une fleur, Florence était douée d’un tempérament rude qui dominait toutes ses actions. Née le 28 octobre 1957, sous le signe du scorpion, «Le natif du scorpion, très dynamique est source d'étonnement pour les autres. Il peut se laisser entraîner par l'énergie négative qui est en lui ou au contraire la maîtriser et en faire une source de réussite. Il n'apprécie ni la routine, ni la tiédeur. Il aime vivre avec intensité dans la vie», elle semble en subir toutes les influences, un peu à l’image de ce que disait Verlaine dans les Poèmes saturniens.
Or ceux-là qui sont nés sous le signe SATURNE,
Fauve planète, chère aux nécromanciens,
Ont entre tous, d’après les grimoires anciens,
Bonne part de malheur et bonne part de bile.
L’Imagination, inquiète et débile,
Vient rendre nul en eux l’effort de la Raison.
Verlaine, Poèmes saturniens, dédicace à Eugène Carrière
Sa vie témoigne de la justesse de cette description: issue d’une famille bourgeoise, elle découvre très tôt sa vocation, en faisant, encore adolescente, de la voile avec son frère aîné, Jean-Marie, et son père. C’est de ce dernier dont elle hérite l’esprit frondeur et le goût pour la mer car c’est justement Jacques Arthaud qui, pour la maison d’édition du même nom, en contraste avec la tradition montagnarde des publications précédentes, crée la collection «mer». Et c’est là que vont se croiser ceux qui deviendront les noms mondialement connus et la collection sera inaugurée par les récits d’Eric Tabarly, une des gloires de la voile française et dont la disparition en mer, en 1998, avait fait l’objet de recherches conjointes de la marine française et britannique. Jacques Arthaud est aussi l’éditeur d’un autre personnage mythique de la voile, Bernard Moitessier, un des plus grands navigateurs en solitaire et qui a changé totalement le rapport entre l’homme et la mer. Il est évident que Florence n’a pu résister aux gènes imprimés dans son ADN! Elle a obéi avec enthousiasme à cet appel de la mer, sombrant dans la déprime lorsqu’elle ne pourra plus y trouver sa raison de vivre. Mais sans anticiper le déroulement de cette aventure, Florence ne rencontre vraiment la mer qu’après un grave accident de voiture lorsqu’elle n’a que 17 ans: sortie du coma il lui faut six mois d’hôpital et deux ans de traitements pour qu’elle se remette de la paralysie. Entretemps, pendant la convalescence, elle fait sa première traversée de l’Atlantique avec Jean-Claude Parisis. Elle n’a que 18 ans. Elle est capturée par cette vie de nomade mais qui demande aussi efforts et organisation.
À 21 ans elle participe à la première édition de la Route du Rhum, en 1978, où elle se classera 11ème. Cette course en solitaire à travers l’océan Atlantique, qui part de la ville de Saint Malo, en Bretagne, jusqu’à celle de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, a lieu tous les quatre ans et demeure une des compétions les plus dures et difficiles, car elle se déroule sans escale ni assistance. Florence Arthaud participe sans interruption aux quatre premières éditions, se classant au 20ème rang à celle de 1982, et revenant à son classement de la première édition, en 1986. Cette fois-ci, à cause de son tempérament généreux et impulsif, elle sera pénalisée du fait de l’abandon momentané de la course dans le but de sauver un autre concurrent, qui, hélas, sera quand même porté disparu. Mais Florence est non seulement impulsive, mais aussi têtue. Elle continuera de disputer cette course légendaire jusqu’à ce qu’elle y triomphe lors de la quatrième édition, en 1990, clôturant son parcours en 14 jours, 10 heures, 8 minutes et 28 secondes, devançant de 8 heures le deuxième concurrent et battant le record du temps de parcours fixé à 23 jours lors de la première édition. Cela tient du prodige si l’on pense que pendant la course Florence a risqué sa vie comme on le découvre à travers ses propres mots:
«À cause d'une hémorragie, j'ai été complètement K.O. pendant 72 heures. C'est la veille seulement de l'arrivée qu'un avion m'a appris que j'étais en tête, je n'y croyais pas. C'était un joli pied de nez à tous ceux qui doutaient de moi. Pas mal de choses ont évolué après et notamment le regard des autres».
Le Parisien titrait le lundi 19 novembre, le lendemain de sa victoire, «Flo, t’es un vrai mec» elle a gagné la Route du Rhum devant tous les hommes.
L’année 1990 marque son succès indiscutable: en août, à bord du trimaran Pierre Ier de Serbie, le même qui la portera à la victoire de la Route du Rhum, financé par le promoteur Christian Garrel, elle traverse l’Atlantique du Nord à la voile en solitaire en rabaissant de deux jours le record de cette traversée.
Mais à ce moment-là, lorsqu’elle semble goûter le plaisir d’une belle carrière à venir, que les difficultés commencent: son sponsor connaît des difficultés économiques et personne ne peut lui faire bâtir le nouveau trimaran dont elle aurait besoin pour se lancer dans de nouvelles compétitions.
Malgré sa grande volonté et ses victoires, ses rêves de sillonner la planète à bord de ces grands trimarans ne seront pas assouvis, faute de sponsors. Elle entreprend alors une nouvelle carrière d’équipière sur de nombreux bateaux. Entretemps, en 1993, elle devient maman d’un bébé nommé Marie, ce qui ne bloque pas sa vocation de marin. En effet, en 1997, elle remporte la Transpacifique comme équipière de Bruno Peyron. Sa vie se poursuit entre navigations solitaires et compétitions car la mer, pour elle, est devenue un besoin vital.
Fin octobre 2011, elle sera gravement touchée par un nouvel accident, mais, de nouveau, elle réchappera à la mort: en pleine nuit, lorsqu’elle se trouve en solitaire au large du Cap Corse, elle tombe à l’eau et voit son bateau s’éloigner avec son chat à bord «Je suis tombée à l'eau bêtement en allant faire pipi, et sans m'attacher comme d'habitude». Florence doit son salut à son téléphone portable étanche, qu’elle avait acheté juste avant de partir. «Je suis tombée à l'eau et je ne vais pas tenir longtemps...», lance-t-elle à sa maman qu'elle avait réussi à joindre par miracle. Heureusement grâce à la géolocalisation de son portable, et au fait qu'elle portait toujours sa lampe frontale, Florence est repérée un peu plus d'une heure après son appel, vers 01 h 55. Consciente mais en état d'hypothermie elle est alors hélitreuillée vers l'hôpital de Bastia.
La dernière fois, pourtant, Florence, loin de son milieu naturel, n’aura plus de chance: cette année, le 9 mars, en Argentine, elle est victime du crash de l’hélicoptère sur lequel elle voyage avec d’autres champions pour tourner une épisode du jeu télévisé Dropped, programmé par TF1. Elle reviendra finalement à la mer, inhumée dans le cimitière de l'île Sainte-Marguerite aux côtés de son frère aîné, Jean-Marie, mort suicidé.
Quelques jours après sa tragique disparition, paraîtra son dernier livre Cette nuit, la mer est noire, un livre confession où la navigatrice dévoile ses sentiments, ses pensées et les souvenirs qui l'ont accompagnée alors qu'elle pensait se noyer. Le livre, dédié à son père, disparu en novembre 2014, rapporte ce poignant témoignage: «Merci Papa de m'avoir fait rencontrer ces gens formidables, tous ces géants des mers, ces belles âmes dont le destin faisait pâlir les modèles de vie ordinaire. […] Merci de m'avoir donné la force de partir au loin et d'être libre».
Personnalité charismatique, la première et unique femme à vaincre la course transocéanique de la Route du Rhum en solitaire, Florence est l'auteur, de son vivant, de trois ouvrages. Le premier, La Fiancée de l'Atlantique, paru en 1982 aux Éditions du Pen-Duick, a contribué à son célèbre qualificatif «la petite fiancée de l'Atlantique». Ensuite, elle publiait Océane, aux Éditions Flammarion/Arthaud en 1991 et Un vent de liberté, aux Éditions Arthaud en 2009, préfacé par Olivier de Kersauson.